Au début de Gatsby le Magnifique, paru en 1925, j'ai eu peur: les descriptions des fêtes et orgies qui se déroulent chez Gatsby me paraissaient vieillies. Mais les fils de l'intrigue se nouent peu à peu, habilement, vers le drame, un accident de la route où victimes et coupables ne sont pas ceux que l'on croit: un dénouement où personne n'est épargné.
Dans cette histoire, qui se déroule sur Long Island et à New-York, Francis Scott Fitzgerald montre le désenchantement d'une génération entre la fin de la première guerre mondiale et le krach de Wall Street, jeunes adultes qui se ruent vers l'Est, vers la fortune, ce qu'explique de façon intéressante la préface d'Antoine Blondin que Le Livre de poche a placée à la fin de l'ouvrage, à la suite d'extraits de la correspondance entre l'auteur et son éditeur.
L'histoire est racontée magnifiquement, de façon nostalgique mais implacable, par l'un des personnages, Nick Carraway. Pour le plaisir, deux exemples:
une description qui rappelle des tableaux d'Edward Hopper:
Le seul bâtiment en vue était un petit immeuble de briques jaunes, posé à l'angle du désert, longé par une amorce de Grand-Rue, qui se perdait dans le néant. Il comportait trois boutiques.
ou à la japonaise (ou cinématographique):
Il me reste une dernière image: la star et son metteur en scène. Ils trônaient toujours sous le prunier sauvage, et leurs visages se touchaient presque, séparés par un seul petit fil de lune. Je me suis dit qu'il avait dû se ployer doucement, pendant toute la soirée, pour être si près d'elle - et, au moment où nous les regardions, il est descendu d'un ultime degré, et l'a embrassée sur la joue.