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Titre du blog : en chemin
Auteur : christineb
Date de création : 27-07-2011
 
posté le 08-11-2011 à 22:17:30

Kampuchéa, de Patrick Deville

Ce livre m'a bouleversée. Peut-être comme m'avait bouleversée, lorsque j'étais adolescente, La Condition humaine, d'André Malraux. Ce n'est pas un "roman" comme le prétend la couverture, facile. Je l'ai lu avec le Larousse sur les genoux pour repérer les lieux et comprendre certains mots, ce que je ne fais jamais d'ordinaire: je déteste ça.

Kampuchéa est l'histoire de l'Asie du Sud-Est depuis 1860 avec l'expédition d'un certain Henri Mouhot qui découvre Angkor. L'histoire se bouscule, on est au XIXè s., mais on assiste aussi au procès de Douch le tortionnaire, à la quête fanatique des kmers rouges  d'une absolue pureté et à la corruption, aux millions de morts; ce sont les trois guerres d'Indochine du siècle précédent:

une mise en perspective...

Garnier, Lagrée, Pavie, la France, l'Angleterre, la Chine, les USA, et la littérature, Pierre Loti, Joseph Conrad, et Graham Greene qui disait:

Il n'est pas un de nous qui ne soit coupable d'un crime, celui, énorme, de ne pas vivre pleinement sa vie

Le Cambodge, le Vietnam, le Laos... et le Mékong...

Le procès des Kmers rouges, qui se revendiquaient de Montesquieu et Rousseau, est l'aboutissement d'une histoire vieille d'un siècle et demi.

La fascination monstrueuse de peuples égarés dans l'espace et le temps. Deux peuples qui cultivent au plus au niveau ces deux vertus de l'élégance et de la duplicité. le voyage à Angkor et le voyage à Paris. 

Tout se mélange et tout se fond dans cette remontée du Mékong d'un narrateur lucide et sensible. C'est la poésie des grands voyages, Luang Prabang,

les teintes du vieux rose le soir au-dessus des eaux lisses du Mékong, les montagnes bleues à l'horizon 

La poésie des vrais voyages, et le narrateur use de tout son art de convaincre:

Le grand camp des Anglais et celui des Français. Les tentes, les mules , les éléphants venus de l'Inde à travers la Birmanie, les malles d'osier, les feux dans la nuit, les cartes étalées, les jumelles et le matériel d'arpenteur (...)

sensible aussi à un monde qui change, non sans humour.

On ne peut plus voyager de la même manière après avoir lu Patrick Deville.

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