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Titre du blog : en chemin
Auteur : christineb
Date de création : 27-07-2011
 
posté le 01-02-2012 à 22:05:53

Les solidarités mystérieuses, de Pascal Quignard

       Ce n'est pas l'intrigue qui a retenu mon attention dans Les solidarités mystérieuses. Paul et Claire se retrouvent en Bretagne, du côté de Dinard, où ils vont vieillir ensemble. Tandis que le premier rencontre enfin l'amour, la seconde connaît la solitude. Peu d'action; même la disparition de Simon n'engendre pas un véritable drame.

       Il me semble que l'intérêt du livre tient d'une part dans la manière de parler de l'écoulement du temps, grâce à de légères touches. Les chapitres sont divisés en une succession de courtes parties qui semblent s'enchaîner sans lien explicite, comme on feuilletterait un album de photographies qui nous permettraient de reconstituer la vie des personnages.

Un petit îlot de lumière se dilate sur la mousse.

Un petit escargot merveilleux la dévore.

Elle s'accroupit devant le petit escargot. Alors Claire lui murmure: "Il faudrait replanter des arbres. Il faudrait couper la grosse branche où je me cogne sans cesse depuis toujours. Il faudrait replanter des fleurs. Il faudrait retourner la terre. C'est juste le moment de resemer une belle pelouse verte." Mais l'escargot hésite à lui répondre. Il avance sa tête un instant puis la rentre dans sa coquille.

       Mais surtout l'écriture de Pascal Quignard, poétique, est un hymne à la nature bretonne, en particulier le bord de mer, que rythment les saisons, les tempêtes ou les couchers de soleil. Difficile de choisir un extrait plutôt qu'un autre. Cet inventaire:

En vieillissant Claire s'était mise à ramasser les fruits des arbres (...)

   les bogues piquantes, entrouvertes, racornies, des châtaigniers

   les hélicoptères des sycomores;

   les housses rougeâtres du frêne;

   la coque ligneuse des noix et les cerneaux huileux et ivoire;

   les toupies des néfliers; (...)

   les cônes bleus et duveteux et tout couverts de pruine des genévriers.

C'était son journal intime. C'étaient ses chemins.

Claire se fond dans la nature, dans une mystérieuse solidarité.

Elle s'était mise à sentir, en vieillissant, une odeur douce de sueur, de foin, de sel, d'iode, de mer, de granite, de lichen.