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Anatomie d'un instant, de Javier Cercas

       Anatomie d'un instant a été publié en 2009 en Espagne (et traduit en France en 2010, tu avais raison, Gisèle) soit 28 ans après les évènements qu'il décrit: le coup d'état  du  23 février 1981. Des militaires investissent ce jour-là le parlement espagnol, à Madrid, et enjoignent aux députés de se jeter à terre. Seuls trois hommes refusent d'obéir, trois hommes tout à fait symboliques: Gutiérrez Mellado, général qui a participé au gouvernement démocratique contre lequel il avait d'abord lutté du temps de Franco;  Santiago Carillo, emblême de la résistance communiste contre le franquisme; et surtout Antonio Suarez, le premier ministre démissionnaire, qui a permis la transition démocratique, le passage de la didacture franquiste à la monarchie parlementaire, avant de devenir impopulaire. L'auteur  compare ce dernier, c'est surprenant et amusant, aux héros  des romans français du XIXè siècle 

(...) l'ancien arriviste du franquisme, le Julien Sorel ou Lucien Rubempré ou Fréderic Moreau des années soixante finit se drapant de la dignité du héros de la démocratie.

       A partir des images vidéo tournées dans l'hémicycle, et grâce à de nombreux documents, Javier Cercas analyse de façon détaillée les raisons du coup d'état mais aussi et surtout les motivations de ces trois hommes, les raisons  politiques comme psychologiques qui les ont poussés à montrer un tel courage, à adopter cette attitude héroïque.

Borges a-t-il raison et est-il vrai qu'un destin, aussi important et compliqué soit-il, dépend en réalité d'un seul instant, l'instant où un homme sait pour toujours qui il est?

       C'est une approche très intéressante d'un évènement politique et historique et sa réflexion dépasse le seul évènement.

Les défauts privés d'un homme politique sont-ils des qualités publiques? Peut-on arriver au bien grâce au mal? (...) Politique et morale sont-elles incompatibles et l'expression morale politique est-elle un oxymore?