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La randonnée des mille marches

La légende du Saut de Vézoles,tirée de l’ouvrage de P GRANIER : Sur les chemins du Somail (1972) et trouvée sur le site du club alpin d'Albi:

Le Bureau venait de voir le jour.

Il était sorti de terre sur les pentes d’Estrépas et se dirigeait tout doucement vers son jeune voisin l’Arn, en compagnie duquel il comptait faire route. Sans précipitation, il coulait gentiment sur les terres plates du Somail lorsque tout à coup il fut entravé dans sa marche par deux personnages encore inconnus de lui : le Vent et le Brouillard. Aveuglé par l’un, arrêté par l’autre, le pauvre petit ruisseau perdit son chemin et son courage.

Ne perdons pas courage, le ciel est bleu et il faut monter...

Il appela au secours. Qui rencontre le vent et le brouillard sur son chemin peut tenir pour certain que le diable n’est pas loin. Il était là en effet. Ce jour-là Satan avait donné rendez-vous à ses deux acolytes. Ils s’étaient réunis tous trois sur le Plateau du Somail pour décider enfin qui, du Brouillard ou du Vent, serait dans l’avenir le maitre du pays. A la discussion avait fait place la dispute. Et les arguments de se croiser, et les injures de voler. Comment, au milieu d’un tel vacarme, le Vent et le Brouillard auraient-ils pu prêter attention au pauvre petit ruisseau ?

 De marmite en cascade... ça monte,  et  il n'y a pas toujours des marches...

 Ils n’entendaient même pas son appel. Mais Satan, dont l’ouïe est très fine, l’entendit, l’écouta et s’offrit à lui rendre service. Fatigué de la dispute du Vent et du Brouillard, le diable saisit l’occasion de se distraire. Prenant congé de ses deux compères, il leur assura qu’il allait revenir et qu’ils n’avaient qu’à l’attendre un instant. A son retour, il serait toujours temps de désigner le maître du Somail. Quand le Bureau eut naïvement demandé à son interlocuteur de l’aider à atteindre l’Arn tout proche, le Malin eut l’idée de s’amuser quelque peu aux dépens du pauvre petit. Un diable ne peut avoir que des idées diaboliques.Et Satan emmena le ruisseau dans le sens opposé à celui où il aurait voulu aller, là où il savait que la montagne s’abîmait sur la plaine.

 Encore un effort...

Encore fallait-il lui tracer le chemin. Chose facile pour un diable. Alors Satan, s’avançant sur la crête du Somail, jeta deux immenses rochers dans l’abîme, étendit sa main et, d’un mot puissamment diabolique, créa la gigantesque brèche nécessaire au passage du minuscule ruisseau. Le Bureau, poussé vers le précipice par la forte griffe du diable, affolé devant le vide, s’accrocha en un réflexe désespéré au manteau du démon et l’entraîna avec lui dans la cascade.