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Un monde flamboyant, de Siri Hustvedt

       J'ai gardé un bon souvenir des romans de Siri Hustvedt: Tout ce que j'aimais (2003) et Un été sans les hommes (2011). Aussi je n'ai pas hésité à lire le dernier paru: Un monde flamboyant. Mais ma réaction est mitigée.

       D'un côté c'est une histoire assez fascinante. Harriet Burden est une belle femme, intelligente, sensible.

Mais ce n''est pas ce qu'on nous dit qui façonne ce que nous devenons. La plupart du temps c'est ce qui reste non dit.

Devenue veuve, elle prend conscience de ses échecs et est lassée d'être apparue comme une petite fille sage, puis une bonne épouse, bonne mère, auprès de son riche marchand d'art de mari.

Il lui avait donné l'impression qu'elle était intéressante et belle, et elle s'était appliquée de toutes ses forces à être ce qu'elle pensait qu'il voulait qu'elle soit. (...) Plier, plier, plier, dit Harry, toujours plier et céder, plier et céder.

        Elle est lassée de ne pas être reconnue comme une véritable artiste, de voir son oeuvre artistique sous-évaluée parce qu'elle est une femme. Les artistes femmes représentent une toute petite proportion des artistes exposés, environ 20%, dans les galeries ou les musées...

Je soupçonnais que si j'étais arrivée sous un autre emballage, mon oeuvre aurait pu être accueillie ou, du moins, approchée avec plus de sérieux. Je ne pensais pas qu'il y eut un complot contre moi. Il y a eu beaucoup d'inconscient dans le préjugé.

Elle décide d'exposer ses nouvelles oeuvres en les faisant passer pour celles de trois hommes. Les réactions des critiques et du public lui donnent raison: ces créations sont encensées. Pourtant elle va échouer puisque le dernier prête-nom, habile arriviste, lui vole son oeuvre.

       L'histoire est bien menée, telle une enquête conduite plusieurs années plus tard pour prouver la propriété des oeuvres d'Harriet Burden, avec différents témoignages et les carnets de l'artiste. Roman si bien mené même que l'on se demande au fil des pages s'il s'agit d'une véritable biographie, si l'artiste n'a pas réellement existé!

       Je me suis heurtée à de longs développements philosophiques sur la création artistique, la perception, etc., qui m'ont ennuyée ou dont le sens m'échappait. Pourtant j'ai retouvé assez souvent une analyse fine de la femme, en particulier dans les témoignages de son amie d'enfance, confidente et complice, Rachel:

Elle voulait savoir si je me souvenais des grands projets que nous avions eus pour notre avenir.  Nous allions toutes les deux devenir des femmes célèbres, tu te souviens? Je me souvenais. Harry me sourit. Nous cultivions notre conscience. Tu te souviens? Je me souvenais. Ça n'a servi à rien, dit Harry. Ce que j'avais cultivé, il s'est avéré que c'était une fausse conscience. Elle était devenue une artiste, d'accord, mais personne ne peut être une artiste si son oeuvre vient toujours en deuxième position après tout le monde et tout le reste. Elle n'avait jamais été première en rien. Jamais. Harry retira sa main de dessous la mienne et me regarda, les larmes aux yeux.