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Journal, d'Hélène Berr

       Nos apprentis profanateurs de l'est de la France ou d'ailleurs feraient bien de lire et relire ce Journal. Hélène Berr, jeune fille juive parisienne, étudiante en littérature anglaise, tient son journal entre 1942-1943.

Au début il n'est question que du plaisir d'admirer la nature, de ses problèmes de coeur, de la vie universitaire. Petit à petit viennent l'étoile juive, l'humiliation de ne  pouvoir monter dans n'importe quel wagon du métro (Tiens, hélas, encore un rappel de l'actualité "footballistique")

(...) je m'aperçois qu'il plane au-dessus un ciel sombre, cela a été une semaine de tragédie, une semaine bouleversée, chaotique.

Puis c'est l'arrestation de son père.On arrête d'ailleurs sous n'importe quel prétexte:

Le docteur Charles Mayer a été arrêté par ce qu'il portait son étoile trop haut... Une des dames s'est exclamée: " Cela prouve vraiment leur mauvaise foi!!!" 

En effet le seul but poursuivi est l'extermination.

       Et elle raconte au fil des jours ce qu'on savait, contrairement à ce qui a si longtemps été affirmé: les interdictions successives, les dates prévues des rafles , les arrestations, les déportations, l'issue annoncée dans les chambres à  gaz; des enfants, des nourrissons, sont arrêtés par la police française et déportés.

Les gendarmes qui ont obéi à des ordres leur enjoignant d'aller arrêter un bébé de 2 ans,  en nourrice, pour l'interner. Mais c'est la preuve la plus navrante de l'abrutissement, de la perte totale de conscience morale où nous sommes tombés.

       Mais il est difficile  de convaincre:

Je finis par me demander si tout simplement je ne devrai pas me résoudre à partager le monde en deux parties: celles des gens qui ne peuvent pas comprendre (même s'ils savent, même si je leur raconte (...), et ceux qui peuvent comprendre. C'est cela qui est désespérant.

       Hélène Berr, issue d'un milieu aisé, aide ceux qui l'entourent et en particulier les enfants arrachés à leurs parents. Elle n'abandonne ni sa famille, ni ses amis, ni la tâche qu'elle s'est fixée, tentant de vivre malgré tout et de trouver dans les livres ou la musique encore un peu de beauté.

Car je sais maintenant que c'est de la lâcheté, on n'a pas le droit de ne penser qu'à la poésie sur terre; c'est une magie, mais elle est suprêment égoïste.

       L'ignoble dessein des fanatiques aura raison de sa présence lumineuse. Elle sera déportée, ainsi que ses parents, et mourra à la veille de la Libération, à 24 ans. 

       Heureusement Hélène Berr aura eu la bonne idée de mettre en lieu sûr son journal. En octobre 1943, elle rappelle:

C'est si court la vie, si précieux.