Emmanuel Carrère: Kolkhoze
Pendant une centaine de pages l'auteur évoque les origines russes et géorgiennes de sa famille, les Carrère d'Encausse: j'avoue que je m'y suis un peu perdue.
Mais ensuite, il raconte l'histoire de ses parents et ses rapports avec une mère imposante, académicienne, et un père effacé. Ses recherches sur sa famille et son métier de journaliste l'ont conduit sur le terrain de la guerre en Ukraine. Ainsi, les histoires, histoire intime, celle d'une jeune fille apatride qui va se faire un nom, l'actualité et la littérature, s'entremêlent.
La description de sa mère, Hélène Carrère d'Encausse, est à la fois critique, tendre et pleine d'humour. Le livre se termine par la mort de celle-ci, suivie de peu par celle du père, qui lui était passionnément dévoué, sans beaucoup de réciprocité.
"Il (Boris Elsine) n'avait pas du mal à se tenir debout: il avait du mal à se tenir assis. Une sorte de secrétaire l'assistait: un petit type pâle, blond, chafouin - oublié aussitôt que vu. Le 21 octobre 1999, ma mère a été élue secrétaire perpétuelle de l'Académie française - c'est-à-dire sa patronne. Désormais immortelle, elle l'était désormais à perpétuité. Six mois plus tard, le 26 mars 2000, Vladimir Vladimirovitch Poutine quant à lui a été élu président de la Fédération de Russie - sans se douter, je suppose, qu'il serait toujours à ce poste vingt-cinq ans plus tard et lui aussi, selon toute vraisemblance, à perpétuité. Ma mère est venue se présenter au Kremlin, en familière de la maison. Le nouveau président l'a accueillie dans son bureau, qui quelques mois plus tôt était encore celui d'Elsine. "Elena Giorgevna, nous nous sommes déjà rencontrés." Ma mère a eu un blanc. "Avec Boris Nicolaîevitch, a dit Poutine, encourageant. - Ah oui! s'est exclamée ma mère. Bien sûr, Vladimir Vladimirovitch! Bien sûr. Je me rappelle." Poutine, avec son sourire de chat qui s'apprête à manger la souris: "Non, vous ne vous rappelez pas, Elena Giorgevna. Moi oui. C'est mon métier de me rappeler."
Commentaires