en chemin

Fatiguée par les heures de conduite de la veille, je décide, après le petit-déjeuner, de laisser les ados aux joies des burgers et de la piscine de l'hôtel pour aller visiter Visalia à mon rythme de mémé. Nous restons deux nuits en effet sur place.  

Visalia est située au milieu de la plaine centrale qui fournit l'essentiel de l'agriculture californienne. La ville fut créée en 1853. D'abord village au bord d'un ruisseau, elle est maintenant une ville prospère de 126000 habitants.

Je pars à la recherche du centre, mais rien à voir avec nos villes européennes. Munie du plan fourni par l'office de tourisme, j'arpente les rues, observe les constructions en briques, le Visalia Fox Theatre de 1929, bien restauré. La promenade dans le centre historique est vite achevée.

Visalia se situe à 57 km de l'entrée du Parc des Séquoias.

A côté de l'imposant bureau de poste, les séquoias sont présents dans la ville, du moins leur souvenir.

Je rêve d'une salade composée bien fraîche pour le midi, et je suis gâtée: dans un restaurant avec la climatisation à fond, une salade Iceberg, entière, bien ronde, bien dense, me fera deux repas grâce au doggy bag!

Tayo, un jeune Indien, est resté traumatisé par son engagement lors de la seconde guerre mondiale. Il a combattu au Japon avec son cousin qui y est mort et est hanté par ses souvenirs de violence.

De retour aux Etats-Unis, Tayo  retrouve difficilement son identité dans un état, le Nouveau-Mexique, où les Indiens, privés de leurs terres et coupés de leurs racines, tentent d'imiter les Blancs et se réfugient souvent dans l'alcool et la violence.

Cérémonie, mélangeant plusieurs périodes de la vie de Tayo, n'est pas toujours facile à lire. Mais la langue de Leslie Marmon Silko, poétique et puissante, imprégnée de la culture indienne, nous entraîne remarquablement vers la renaissance du héros qui retrouve les gestes et les rites de ses ancêtres, lorsqu'il fait le lien entre le souvenir des essais nucléaires sur les terres indiennes du Nouveau-Mexique en juillet1945 et celui  des bombes atomiques larguées par les Américains au Japon en août de la même année.

"Depuis la jungle de ses rêves, il identifia la raison pour laquelle les voix japonaises s'étaient mêlées aux voix lagunas, aux voix de Josiah et de Rocky: les lignes des cultures et des mondes, tracées en noir mat sur le sable fin et clair, convergeaient  au centre de l'ultime peinture de sable de la cérémonie de sorcellerie. A partir de là, les  humains formaient à nouveau un seul clan, unis par le destin que les destructeurs avaient préparé pour eux tous, pour toutes les choses vivantes; unis par un cercle de mort qui dévorait les gens dans des villes à vingt mille kilomètres de là, victimes qui n'avaient jamais connu ces mesas, qui n'avaient jamais vu les couleurs délicates des rochers où mijotaient leur massacre.

Il se dirigea lentement vers le puits de mine (...) La pierre grise était striée de bandes d'uranium d'un jaune poudreux, brillant et vivant comme du pollen; des veines d'un noir de charbon se combinaient avec ce jaune pour dessiner sur la pierre des chaînes de montagnes et des rivières. Mais ils avaient pris ces pierres magnifiques enfouies dans le coeur de la terre et les avaient disposées en un schéma monstrueux,réalisant ainsi la destruction sur une échelle "qu'eux seuls" auraient pu imaginer.

(...)

Il n'était pas fou." 

Pas de photos variées ce jour-là. Nous allons de Lone Pine à Visalia. A vol d'oiseau, ce n'est pas loin. Mais on ne traverse pas la Sierra Nevada comme ça, et finalement nous avons 376 km à parcourir. Donc, rares photos, vu que je tiens le volant. Les romans sur le sud-ouest des USA  parlent si souvent des arbres de Josue que j'ai tenu à les  photographier. Même s'ils n'intéressent pas mes ados.

Pourtant la route  est variée et aurait mérité qu'on s'y attarde. D'abord c'est le désert, des touffes d'herbe, des lézards, des pierres. Puis le lac Isabella, des élevages bovins, des prairies bien vertes. Ensuite, les gorges de la Kern, paysage de montagne. Magnifique. Si le trajet n'avait pas été aussi long, j'aurais aimé prendre mon temps.

Puis changement d'ambiance, la route ou autoroute 99, les camions, les vergers, la plaine...

Visalia, enfin. Hôtel avec piscine... N'allez pas croire que c'est le luxe: on partage la chambre à trois. On trouve un supermarché pour acheter le repas du soir. Pour le plein d'essence, maintenant j'ai le truc. Je sais que les postes à essence ne sont pas fréquents et qu'il faut veiller au niveau d'essence, donc prudence... Mais... au fait, on accède comment au réservoir de cette voiture de location?! Et je mets quelle essence?! Comment ça marche???!!! 

Heureusement les Californiens sont serviables et me renseignent. On donne sa carte bancaire pour une caution de 100 dollars avant de faire le plein et seule la somme consommée est retirée. Ben, faut savoir...

Le nom, Death Valley, fut donné par les chercheurs d'or qui en 1949 tentèrent d'ouvrir une voie vers l'ouest pour éviter les sierras. La température peut atteindre 46° à l'ombre.

A partir de Furnace Creek (environ 169 km depuis Lone Pine), il faut payer 30 dollars par voiture pour circuler dans le parc. Mais des lieux fabuleux nous attendent, que l'on parcourt en voiture, en s'arrêtant à chaque étape.

D'abord Harmony Borax Works, les mines de borax. Le borax utilisé dans le décapage des métaux et la composition des lessives était raffiné puis transporté par les caravanes de 20 mules vers la gare la plus proche, à 10 jours de trajet de là.

Deuxième étape, Dante View:  ce site s'élève à plus de 1500 mètres au-dessus de la plaine salée de Badwater.

Badwater est le point le plus bas de tout l'hémisphère nord, - 86 mètres au-dessous du niveau de la mer. Nous marchons sur une croûte de sel.

Dernière étape, Artiste's Drive Circuit passe par une palette de roses, rouges, oranges, verts fabuleuse. 

Après, il reste un peu plus de 170 km pour rejoindre Lone Pine, le burger du soir au Whitney Restaurant, plats copieux pour nos estomacs d'Européens; le décor, bien qu'ayant un peu vieilli, vaut le détour, avec des centaines de cadres rendant hommage aux westerns. Un établissement vraiment authentique. Désolée, j'ai beaucoup conduit, plus de 400 km ce jour-là,  et pas eu le courage de prendre des photos!